vendredi 17 août 2012

Je chiale pas: je constate!

Premier article, et je me demande de quoi j'ai envie de parler en priorité. Musique? Politique? Stratosphère? Botanique?

Non.
Je vais rester logique et entamer les hostilités avec le sujet qui m'a poussée à créer ce blog : la langue française au Québec, ma terre d'adoption adorée. En plus ça tombe bien, on est en pleine période d'élections provinciales, et il va sans dire que la protection de la francophonie est un des sujets favoris des différents candidats.
Du coup, je vais mettre les pieds dans le plat d'entrée de jeu : chers candidats, messieurs et mesdames les québécois, vous vous trompez de combat et, par la même occasion, vous fourrez le doigt dans l'oeil jusqu'au coude. L'enjeu ne doit pas être de forcer tout le monde à s'exprimer en français ou d'empêcher les gens d'inscrire leurs enfants dans des écoles anglophones.
Non, en prenant le problème par ce bout-là, vous manquez l'étape la plus cruciale et vous perdez une bonne partie de votre crédibilité.
Il faut commencer par le commencement, la base, les fondations. Je suis circonspecte de n'avoir jamais entendu PERSONNE soulever, ou même juste effleurer, la question de la qualité de la langue française au Québec. C'est d'autant plus inquiétant que pas une semaine ne s'écoule sans que je frôle l'arrêt cardiaque en découvrant des fautes toutes plus abominables les unes que les autres, partout.

J'ai terminé mes études universitaires il y a 5 ans dans un établissement du réseau des Universités du Québec, et pendant toute l'année, j'ai été révoltée par la médiocrité du niveau de langue des corps professoral et administratif. Grammaire, syntaxe, orthographe, tout y passait. Je regrette aujourd'hui beaucoup de ne jamais avoir fait de remarque, ne voulant surtout pas passer pour la maudite Française qui se croit au-dessus des autres. J'ai constaté assez rapidement que tout compte fait, ça n'est pas si étonnant. Plusieurs étudiants dans mon entourage durant cette année suivaient des cours en enseignement. Certains même se destinaient à l'enseignement à l'école primaire. Ils allaient donc à leur tour apprendre aux jeunes enfants à écrire et j'ai été sidérée de constater que même eux n'étaient souvent pas capables de rédiger un texte d'une page sans faire de fautes.

Dans les médias, aussi. Tous les jours, je lis un journal. Parfois des trucs sérieux, genre La Presse, d'autres plus généraux, style Métro ou 24 Heures, ou encore (beaucoup plus rarement car trop racoleur pour moi) le Journal de Montréal. Je dirais qu'en moyenne, je trouve des fautes deux fois par semaine. Je trouve ça énorme (j'ai même déjà trouvé une faute dans... des mots croisés !). Si même des rédacteurs, qui sont quand même payés pour écrire, font des fautes d'accord, alors où va-t-on? Je pourrais aussi parler des journalistes à la télé, qui font sans cesse de fausses liaisons qui me causent à chaque fois des palpitations. Je serais curieuse de leur faire faire une dictée, tiens, juste pour voir.

C'est tout aussi terrible dans les publicités. Dans un sens c'est même pire, car c'est à la vue de tous, y compris des plus jeunes, partout, tout le temps. Dans le métro, la rue, les restaurants, les magasins, les journaux (tiens, encore eux?). Je ne pourrai jamais oublier cette campagne d'affichage d'un fournisseur de téléphonie bien connu au Québec (je ne suis plus certaine duquel il s'agit, je m'abstiendrai donc, pour une fois, de citer un nom). L'affiche mesurait une dizaine de mètres carré (euh, choc des cultures: disons une trentaine de pieds carré) et on lisait en plein milieu, dans le slogan, en grosses lettres capitales: BEAUCOUPS. Non mais sans déconner ! Personne ne relit jamais ces trucs avant de nous polluer avec? Déjà vu aussi, de vilaines erreurs sur des affiches promotionnelles pour des écoles ! Rien que de l'écrire, ça m'énerve.

Histoire de compléter mon tour de la société, je terminerais sur le monde du travail. J'ai eu la chance de virevolter de job en job pendant mes deux premières années à Montréal, alors j'en ai vu des vestiaires et des tableaux d'affichage interne. J'en ai reçu des courriels de certains supérieurs hiérarchiques. On m'en a donné des consignes écrites, des menus (oui oui, même dans des menus !), des formulaires à remplir. Vous imaginez bien que, là encore, notre belle langue en prenait pour son grade.

J'aurais pu ajouter ici un paragraphe sur la guéguerre qui est faite contre les Français à cause des mots anglais qu'on utilise couramment. Est-ce que ça voudrait dire que vous ne réalisez pas que le vocabulaire québécois en est truffé lui aussi? Je vous laisse chercher, tiens.

Tout ça pour dire, messieurs-dames du Québec, hommes et femmes politiques, journalistes, publicitaires, citoyens, s'il vous plaît, n'essayez pas de bâtir des principes et des règles stupides sur des fondations pourries ou inexistantes, est-ce que vous tenteriez le coup en construisant votre maison? Bien sûr que non, alors pourquoi le faire avec votre société, et du coup, l'avenir de vos enfants?



Quelques illustrations:

J'ouvre le bal ce matin avec une bonne nouvelle concernant Avril Lavigne, publiée hier le 23 août 2012 dans 24 H.
Tout est dans le titre.




On en remet une petite couche aujourd'hui, le 24 août, ma source est toujours la même ( intarissable? )
On nous parle ici de Marois, son prénom étant... Pauline! Bravo!


Merci La Presse ! Aujourd'hui, un grand classique. C'est tombé sur La Presse, mais ça aurait pu être n'importe où ailleurs, je vois cette faute tous les jours.


Celle-là est, je pense, ma préférée !


McDo:






Je ne sais pas d'où vient celle-ci, mais elle est belle ! Merci à Sopinky pour la photo.








8 commentaires:

  1. D'accord, le français québecois n'est pas impeccable, mais à quoi bon instaurer un paquet de mesures pour en améliorer la qualité si plus personne ne le parle dans la métropole ? Il y a quelques décennies, il était pratiquement impossible de faire du commerce en français à Montréal, à moins de tenir un bordel dans Hochelaga-Maisonneuve, et encore. À mon avis, la priorité est de faire en sorte qu'on parle encore français dans dix ans. La qualité s'améliorera à mesure que plus de gens maîtriseront cette langue. Cela dit, je crois que nous sommes sur la bonne voie. Mon français écrit n'est pas parfait, mais je me console en me comparant aux générations passés, à l'époque ou l'on arrêtait l'école en huitième année.


    J'ai passé une partie de l'été à sillonner le « rest of Canada », où j'ai visité plusieurs communautés francophones qui ne profitent pas de nos lois linguistiques québecoises. Dans plusieurs de ces communautés, le français se meurt, et sa qualité est encore plus médiocre qu'ici. L'affichage y est unilingue anglais, sauf dans quelques commerces locaux. Exactement comme le Montréal des années 30. Nous en serions probablement au même point sans ces mesures « draconniennes et barbares » adoptées par le gouvernement Bourassa.

    En espérant ne pas avoir fait trop de fautes,

    David :)

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  2. Plus personne ne parle français dans la métropole? Ah bon. Sauf peut-être dans l'ouest de l'île, j'ai toujours été capable de me faire servir en français sans aucun problème.
    par contre, je trouve totalement absurde de s'obstiner à défendre l'utilisation d'une langue sans se soucier de sa qualité. Ca n'a aucun sens, c'est ce que j'appelle pédaler dans la semoule: tu te bats pour quelque chose, mais l'"arme" que tu utilises pour ton combat est rouillée. Tu penses que ça va être quoi le résultat?

    Je ne veux justement pas me consoler en comparant au passé ni au reste du Canada. Par contre, je veux avoir des enfants très bientôt, et je veux qu'on leur apprenne le Français correctement. Je pense que dans une société comme ici, ça serait la moindre des choses, et je constate tristement que ça ne sera sûrement pas le cas si personne ne fait rien pour s'occuper du problème de fond, soit la qualité de la matière enseignée.

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    1. Bien sûr que l'on parle encore français sur notre île. Tout ça à cause des "principes et règles stupides" que tu dénonces, tel que la loi 22, qui allait devenir plus tard devenir la loi 101. Sans ces "règles stupides", ce billet n'aurait jamais existé puisque l'usage du français au Canada serait devenu folklorique, au mieux.

      La réalité linguistique du Québec est fort différente de celle de la france. Nous sommes 7 millions à patauger dans une mare de 350 millions d'anglophones, et nous tenons le coup malgré de nombreuses tentatives de nous rayer de la carte. (Par exemple, le rapport Durham)

      Quelles sont tes idées pour que le Québec atteigne un niveau d'excellence en français ? Envoyer nos enfants dans des écoles anglophones, autoriser les marchands à n'afficher qu'en anglais ?

      Si je comprend bien le dernier paragraphe de ton billet original, on aurait dû abdiquer depuis longtemps déjà, accepter le status de colonisé face à la couronne britannique, oublier nos racines française puisque nous ne sommes pas assez bons pour mériter de parler français ?

      Rien de personnel,hein, tu me connais, j'adore argumenter, surtout quand j'ai raison :p

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    2. David, tu me fais dire ce que je n'ai pas dit.

      Je suis bien consciente que la francophonie a eu chaud aux plumes dans un passé pas si ancien. Soit. Mais maintenant elle est instaurée très clairement, dans les lois et textes sans qui le Français serait effectivement probablement devenu folklorique. Là où je trouve qu'elle sont stupides, c'est dans la mesure où elles forcent donc à parler français sans prendre une seconde en compte la QUALITÉ de français. Donc, certes les gens parlent français, mais quel français! Si c'est une chose si importante que ça, améliorer la qualité de son enseignement ( en commençant par mieux former les professeurs, mais là on embraque dans l'hisoire de l'oeuf et la poule : qui va apprendre correctement le français à des professeurs à part des... professeurs?? ) devrait être une priorité.

      Je ne sais honnêtement rien à proposer pour ça, ça n'est pas mon boulot, mais j'y pense souvent.

      Enfin, tu n'as pas du bien comprendre mon dernier paragraphe ( de quel paragraphe tu parles?? ), car nulle part je ne parle d'abdiquer ou de laisser les gens afficher leurs trucs juste en anglais. D'ailleurs, je ne suis vraiment pas pour.

      Si j'avais à défendre une idée, ça serait celle du bilinguisme, surtout à Montréal.

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  3. Merci merci merci pour ce post! De crier ce qui me révolte chaque jour toujours un peu plus. Française également installée à Montréal, rédactrice de profession dans l'un des journaux que tu cites, je vis les palpitations que tu décris, les écorchements de peau à vif en entendant certaines formes grammaticales, certains verbes inventés ou accords absolument inexistants. Pareillement, je me tais pour ne pas paraître être une énième "maudite Française" mais ces massacres de la langue me heurtent au quotidien. Et je ne parle pas en effet de ce débat absolument affligeant sur l'utilisation abusive de l'anglais en France (je dirais dans les médias essentiellement)tandis qu'ici, de plus en plus de formulations sont directement calquées sur l'anglais...

    Bref merci d'en parler...je me sens moins seule ;)

    Sarah M.

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    1. Salut Sarah!

      Merci à toi pour ton commentaire, qui m'encourage à continuer d'ouvrir ma grande bouche!

      En fait, je pense qu'on ne devrait pas avoir peur d'intervenir, après tout c'est aussi notre langue, et nous aussi on l'aime!

      Bonne continuation, au plaisir de te relire un jour!

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  4. ce fut laborieux mais ça y est !!!! bon, tout ça pour dire que zygomar a complètement raison, et que le français est une langue suffisamment riche et belle pour que la parler continue à être un plaisir. se battre pour la pratiquer dans un “îlot” où tout autour la langue anglaise est majoritaire est magnifique. mais pour en garder toute sa quintessence il faut aussi se battre. on compte sur vous les québécois !

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  5. Le pire, c'est qu'en France on parle encore plus mal le français qu'au Québec ! Quand j'y suis passé il y a deux ans, les québécois m'avaient l'air de s'exprimer dans un français bien moins abâtardi que nous. Or je ne pense pas qu'on puisse trouver depuis trente ans un seul numéro du Monde, du Figaro, ou même du Magazine Littéraire sans faute d'orthographe ! Quant à notre personnel politique, n'en parlons pas, tous les partis sont contaminés par le phénomène. En fait, je crois que ce phénomène est mondial et touche sûrement toutes les langues occidentales. Au XXIe siècle, on sera juste plus cons, faisons-y nous (c'est français, ça ?).
    Sinon, j'ai BEAUCOUPS aimé ton article !

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